Deby-/El-Béchir, hier ennemis jurés et diabolisés l'un par l'autre, aujourd’hui réconciliés comme des anges : dans l'intérêt de qui ?
On ne peut certes pas démentir les analyses ou les simples déclarations de nos confrères journalistes, qui ont jeté leurs regards sur les élections législatives à venir au Tchad, qui auront probablement lieu en novembre 2010 avant la présidentielle d’avril 2011, et sur celles du Soudan, qui sont prévues pour avril 2010. Ces élections permettront peut-être aux deux requins Deby et Omar El-Béchir d’obtenir chacun une reconnaissance internationale. Peut-être ces mêmes journalistes jugent-ils inutiles d’aller plus loin, en dévoilant la face cachée de ces négociations politiques et de cette cuisine électorale qui ont été pilotés par les pays du golfe. La véritable motivation de ces deux dirigeants, l’un pro-occidental, l’autre pro-arabe, est de se faire tous les deux passer pour de bons élèves, sauvant par là même leurs fauteuils présidentiels et garantissant pour longtemps leur fortune et celle et de leurs clans respectifs.
Grâce à des sources dont nous voulons préserver l’anonymat, nous en avons appris un peu plus. En effet, si le président tchadien a accepté de signer des accords de paix avec le Soudan, ce fut en échange d'une enveloppe de 4,7 milliards de dollars américains, en provenance des riches pays du Golfe qui soutiennent El-Béchir : cette somme servant de dommages et intérêts pour des actes sanguinaires et destructeurs commis au Tchad par le président Soudanais, par le biais de ses Djandjawids, des miliciens arabes. Deby Itno a reçu cette enveloppe avec d'autant plus d'empressement qu'il sait bien que son ethnie Zaghawas du Tchad, et en particulier son propre clan, n’a pas payé un lourd tribut aux mercenaires en question. Ne doutons pas un instant que cet argent ira tout droit dans ses poches sans fond. Ensuite, si Déby a accepté de « pardonner » à El-Béchir, en déclarant qu’il est' "venu à Khartoum le cœur ouvert et la main tendue ", c'est parce qu’il est persuadé qu’aucun des Zaghawas soudanais opposés au régime d’Omar n’osera plus rentrer au Darfour, leur province natale, car ils ont tous la nationalité tchadienne et assurent actuellement sa propre protection. Cela le mettrait peut-être mal à l’aise s’il n’y avait pas d’autres issues pour protéger ses frères Zaghawas l’ayant aidés financièrement quant Deby était lui-même encore en rébellion au Soudan contre Hissène Habré, avec feu Maldom Bada Abbas. D’ailleurs, il est aujourd’hui très difficile de distinguer les Zaghawas soudanais des Zaghawas tchadiens. « Qui se ressemble, s'assemble », déclare un adage français. N’est-ce pas une chance pour le président tchadien de bénéficier d'une force de plus, et pour les frères soudanais de trouver une niche protectrice, le Tchad ? Et puis, tout ce beau monde vit actuellement très bien, et s’enrichit copieusement, comme s’il était le seul groupe humain à vivre au Tchad. Du côté du dictateur soudanais, ce traité de paix est aussi un gros soulagement, car lui non plus n'est pas perdant dans ce qui ressemble à la course de deux chasseurs, venus de deux villages différents, se croisant par hasard en pleine savane et poursuivant deux pintades de la même couleur et qui volent dans la même direction. L’essentiel pour chacun est bien de rentrer au village avec le produit de sa chasse, et peu importent la qualité de la pintade et le danger encouru. Tous les moyens sont bons pourvus qu’ils soient efficaces. Peu importent les difficultés qu'auront à affronter les rebelles de l’Union pour la Force et la Résistance (UFR). Khartoum oblige d’ailleurs les éléments tchadiens de l’UFR de s’éloigner de la zone d’El-Geneina. Selon certaines déclarations, ils se trouveraient actuellement au nord-ouest d’El-Facher dans le Darfour. De toutes les façons, ces informations restent à vérifier et peut-être va-il y avoir du changement dans les mois qui suivent.
Car, en politique rien n'est jamais sûr. Et tout peut changer en une fraction de secondes. Seuls comptent leurs intérêts pour les dictateurs d’hier et d’aujourd’hui. A l’heure où nous parlons, l’homme fort de Khartoum ne craint plus personne. Il est persuadé que quelles que soient les aides que leur cousin Deby leur apporte, les rebelles soudanais du Mouvement pour la Justice et l’Egalité (MJE) sont dégonflés, et craignent des Djandjawids plus sanguinaires, cyniques et sadiques qu’eux-mêmes. Les Zaghawas du Tchad et du Soudan réunis ont peur de leur ombre. Ce n’est pas une simple opinion, ce sont des choses vraies et palpables.
Et puis, par rapport au Soudan, le Tchad de Deby n’est qu’un petit poisson d’eau douce, qui se faufile entre les grenouilles, les crapauds et les tortues. D'autant plus que la stratégie de Khartoum, qui a consisté à dresser Timan Erdimi contre Deby, a porté ses fruits dans la mesure où les deux clans ont payé un lourd tribut, même si certains politiciens ne croient pas à la révolte des deux frères jumeaux (Tom et Timan, intouchables il n'y a pas si longtemps). La seconde réussite d’El-Béchir dans ces négociations avec son « frère" Deby, c’est le montrer à l’opinion nationale et internationale que la porte de Khartoum est grande ouverte à toutes les ethnies du Darfour, y compris aux Zaghawas qui veulent rentrer au bercail, tout en sachant que personne n’osera approcher sa tête de peur de recevoir un coup de sabre aiguisé à la chinoise.
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